« Comment MESSMER entretient la peur de l'hypnose »
Les hypnothérapeutes ayant reçu une formation complète aident à surmonter les difficultés, alors que les erreurs de MESSMER en créent. Cela ravive la polémique : l’hypnose de SPECTACLE devrait-t-elle être interdite? Un exemple des dangers de l’hypnose de spectacle : Messmer provoque une angoisse aiguë en direct Le 21/11/18 à la RTBF dans « On n’est pas des pigeons » --> Lien YouTube
Dans cet article, le Dr Éric Mairlot, neuropsychiatre, commente une par une les erreurs de Messmer pendant cette émission (retrouvez également ses commentaires en vidéo).
Cyril mis sous hypnose par MESSMER déclare très stressé après la séance, : « C’est horrible, je suis tout tremblant » et Benjamin Maréchal ajoute « Vous étiez fébrile, suant, transpirant ! » |
L’analyse du Dr Eric MAIRLOT :
En complément des commentaires de la vidéo, je vous propose ici une analyse précise de ce qui se passe dans cette relation hypnotique. L’apprentissage des techniques de communication éricksoniennes montre combien certaines phrases possèdent un grand pouvoir suggestif, non seulement sur le subconscient des sujets hypnotiques, mais également sur le subconscient de chacun des spectateurs, même s’ils sont en état d’éveil. (Il faut aussi attirer l'attention sur l'importance déterminante de l'intention, de l’éthique et des méthodes de l’artiste de spectacle comparée au praticien de l'hypnose médicale).
Messmer « hypnotise » Cyril, un animateur qu’il avait déjà « hypnotisé » 2 ans auparavant. (J’utilise ici le jargon incorrect qu'ils emploient, car, en réalité, personne ne peut hypnotiser qui que ce soit, celui que l’on nomme «l’hypnotiseur» guide en fait son sujet dans une auto-hypnose active : la personne n’est donc pas passivement hypnotisée, c’est elle qui décide de se laisser guider).
Cyril avait alors passé des tests qui l’avaient identifié comme un très bon sujet hypnotique. On peut même dire un sujet naturellement très doué pour l’hypnose. En effet, il parvient ainsi à parler une langue de sa propre création à la demande de l’hypnotiseur. De plus, il est d’une nature obéissante.
Cyril se confie d'emblée « il m'a fait peur il y a deux ans » et «honnêtement, ça m'inquiète ». Messmer néglige cette information fondamentale, tout en reconnaissant que Cyril est très nerveux. Messmer va quand même induire une hypnose autoritaire et rapide. Première erreur ! Il aurait dû lui demander ce qui le rendait nerveux, puis le rassurer par rapport à ses craintes, car lorsque l'on a certaines attentes par rapport à l’hypnose, elles se réalisent souvent en état hypnotique, qu'elles soient positives ou négatives ! Il aurait alors pu en tenir compte pour créer une induction personnalisée qui aurait alors calmé les peurs de Cyril avant de passer à la suite.
Puis Messmer lui suggère que ce sera impossible de séparer ses doigts et qu’il « dormira ».
Cette position autoritaire (qui n’est pas de l’hypnose) vise à dominer le sujet pour lui imposer alors des actes ; Messmer lui ordonne une attitude d’impuissance, de soumission, afin qu’il ne puisse agir volontairement et librement contre l’ordre de l’hypnotiseur. Abordée de cette façon, l’hypnose est subie par Cyril qui est privé de son libre-arbitre, ce qui augmente encore son anxiété.
Cela fait pourtant un siècle que l’on sait que l’hypnose n’est pas un sommeil, mais la plupart des hypnotiseurs la définissent encore comme tel, ce qui leur permet de faire croire à leur cobaye qu’ils sont des acteurs passifs, obéissant au réalisateur tout-puissant de leurs rêves. Même si c’est faux, le sujet accepte le rôle social imposé par cette mise en scène manipulatoire. (cf. L’expérience impressionnante de Milgram)
Ensuite, Messmer suggère à Cyril qu’il ne va pas tomber : c’est une deuxième erreur. En effet, le fait de suggérer une action dans une phrase contenant une négation obtient souvent ce qu’on ne veut pas obtenir. Et de fait, Cyril commence à tomber ! Messmer doit le retenir. (Ce toucher est une « suggestion » non verbale manuelle, quand Mesmer le maintient debout, il suggère à Cyril de rester dans la position qu’il imprime avec ses mains). Recommandation de base pour tout apprenti-hypnotiseur : ne jamais placer de négation dans une suggestion !
Troisième erreur : Messmer suggère « vous vous sentez extrêmement bien (ou une variation: merveilleusement bien». On constatera l’échec flagrant de cette suggestion avant et au moment du réveil ! Pour éviter cette erreur, les élèves en hypnose thérapeutique respectent l'état émotionnel du patient et ne contredisent jamais son ressenti. Pourtant, Messmer avait reconnu que Cyril était très nerveux mais n’en avait pas tenu compte (ce qui entraîne un problème : cfr plus bas)
Messmer commet une quatrième erreur : quand Cyril est en état hypnotique, il demande aux animateurs s’ils ont des suggestions, et affirme qu’on peut « demander ce qu’on veut…». Messmer tente maladroitement de se rattraper «… ou presque ». Malheureusement cela a été dit : il aggrave la croyance que, sous hypnose, on peut faire faire n’importe quoi à quelqu’un. C’est faux et cela impacte négativement l’esprit du cobaye comme des spectateurs ! Cyril entend que l’on pourrait lui faire faire n’importe quoi ... ou presque, n’est-ce pas un stress supplémentaire ?
Du point de vue éthique, à ce moment-là, Messmer trahit la confiance de Cyril puisque la relation hypnotique était instaurée entre eux, et une fois que Cyril a accepté l’hypnose, il le « livre » aux ordres de plusieurs personnes.
Or, Messmer déclare lui-même au début que l’hypnose est «une complicité que l’on doit créer entre deux personnes». Heureusement, les journalistes font, eux, preuve d’un sens éthique et n’abusent pas de la situation avec leur collègue (ce qui n’aurait d’ailleurs eu aucun impact si leurs suggestions ne respectaient pas la morale, la religion et l’intégrité de Cyril qui ne s’y serait pas soumis, même en état hypnotique, c’est important de le souligner).
Ensuite, Messmer suggère à Cyril de parler une langue de sa propre création. Suggérer quelque chose d'extraordinaire est l’un des 3 objectifs. Les autres objectifs sont de faire rire le public en les invitant à se moquer des cobayes exécutant des tours les ridiculisant, soit en leur faisant croire que l’hypnose rend tout puissant l’hypnotiseur de music-hall :
Messmer parvient à son but en ne tenant aucun compte du bien-être de son sujet ; il démontre que celui-ci se soumet à son ordre, ce qui produit quelque chose d’étonnant. Comme Cyril n’a pas de raisons morales ou personnelles de s’y opposer, il est complaisant et s’exécute. Cyril utilise ses propres dons hypnotiques et sa créativité personnelle pour construire un verbiage que personne ne va comprendre, à partir de ses divers souvenirs de langues étrangères. (Il arrive parfois que des sujets encore plus doués pour l’hypnose, grâce au phénomène hypnotique de l’hypermnésie, parviennent à retrouver et reproduire des phrases d'une langue étrangère qu'ils ont entendue dans leur petite enfance, ou encore via des souvenirs anciens de la radio ou de la télévision. Les hypnotiseurs de spectacles pourraient profiter de ce genre de démonstration pour montrer que les dons de l’être humain sont augmentés en hypnose et peuvent être utilisés en psychothérapie et en médecine. En effet, la créativité est l’art de trouver des nouvelles solutions à des problèmes, or cette créativité est décuplée en hypnose et permet aux patients de trouver leurs propres solutions, et aux artistes de retrouver l’inspiration. Messmer dit que l’auto hypnose permet de récupérer beaucoup de sommeil, c’est le seul moment de l’émission où il sert la cause de l’hypnose médicale.).
Pendant le réveil, Messmer répète encore la suggestion «vous vous sentez merveilleusement bien», on peut voir que cela échoue encore. Il s’agit d’une énième erreur. Puisque Cyril est stressé, donc dans un état radicalement opposé à celui voulu par l’hypnotiseur, cette suggestion ne peut qu’aggraver la situation, d’autant que Cyril perçoit que son hypnotiseur ne parvient pas à maintenir cette « complicité entre eux deux » (évoquée par Messmer), et pour cause ! Thibault Roland dit « Cyril est stressé encore après le réveil », et lui-même déclare « C’est horrible, j’ai les jambes qui tremblent comme il y a deux ans. Je suis tout tremblant »
Le lendemain, dans l'émission du même nom, Benjamin Maréchal rappelle « Après l’hypnose vous étiez fébrile vraiment, suant, transpirant ».
Cyril ajoute « Hier c’était très compliqué, puis Messmer m’a ré-hypnotisé et après 30 secondes c’était parti ».
Messmer aurait « rattrapé » ses erreurs dans les coulisses, mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait devant les caméras ? C’était pourtant l’occasion de donner une image positive de l’hypnose, en montrant comment celle-ci peut calmer l'angoisse et traiter le stress.
Surtout qu’on peut réparer par hypnose les maladresses produites par l’hypnose d’un artiste, mais cela peut prendre plus de temps s’il s’agit d’un traumatisme.
Résultat du show de Messmer : les téléspectateurs qui ne connaissent pas l’hypnose en auront sans doute peur et n’oseront pas consulter ou accepter une anesthésie par hypnose. Même les animateurs de l’émission reconnaissent qu’ils n’ont pas envie d’essayer l’hypnose…
Pour les médecins et psychothérapeutes pratiquant l’hypnose, ce constat est inadmissible : il discrédite une pratique médicale reconnue qui secourt de nombreux patients, leur évitant des prises de médicaments, leur permettant de se libérer d’un symptôme ou d’un problème qu’ils n’arrivent pas à résoudre autrement, ou encore augmentant des capacités telles que la concentration, la mémoire, l’énergie, la motivation, l’épanouissement émotionnel, sexuel ou sportif, etc.
Mais vous, en voyant un spectacle d’ hypnose, que pensez-vous de ce que peut faire un hypnotiseur avec vous ? L’hypnose vous fait-elle peur ? Si vous en aviez besoin, allez-vous consulter un hypnothérapeute sans appréhension ? |
À propos des dangers de l’hypnose de spectacle évoqués dans ces 2 émissions
Pour ces hypnotiseurs de « foire », le fait qu’un numéro « foire » n’aurait aucune conséquence négative (excusez-moi pour le jeu de mot).
En fait, il y a des risques psychologiques et physiques à accepter l’hypnose sur une scène de music-hall.
Lors de la première émission « On n’est pas des pigeons » du 21/11/18 , je raconte ce qu’un spectateur a vu sur scène lors d’un spectacle de Messmer : il lui fait vivre le plaisir de la vitesse en moto, il doit traverser la ville à vive allure puis tout à coup il lui annonce un mur devant lui et le sujet s’imagine s’écraser dessus!
Les psychiatres savent que l’on peut être traumatisé par ce genre de scénario en hypnose , MILTON H. ERICKSON a prouvé que l’on peut créer un état de stress post-traumatique sous hypnose. (Ce psychiatre américain est mondialement connu pour avoir sorti l’hypnose traditionnelle de ses aspects autoritaires. Il lui a donné ses lettres de noblesse et en a fait une psychothérapie particulièrement efficace. Il a soigné des milliers de personnes.).
L’argument de Messmer c’est de dire que « l’hypnose est comme un cauchemar, il n’ y a pas de danger». Comparer l'hypnose au rêve montre son manque de connaissance sur le sujet. Grace à l’imagerie médicale, nous savons qu’il y a certes des ressemblances mais également des différences de fonctionnement du cerveau dans ces deux états. N’étant pas un scientifique professionnel de la santé mentale, Messmer ignore que certains cauchemars nocturnes peuvent être traumatiques. En 33 ans de psychothérapie et de psychiatrie, j'ai traité par hypnose plusieurs patients qui souffraient d’états de stress post-traumatiques suite à des cauchemars, tout comme après un film d’horreur, ou un « bad trip » sous l’influence de substances psychédéliques (cannabis, hallucinogènes…), par exemple.
Terminons en soulignant que Messmer présente la séance d’hypnose comme un moment à vivre dans un état de bien-être où le sujet va se sentir merveilleusement bien, et ensuite, il est bien forcé de reconnaitre l’évidence : lui avoir fait vivre un cauchemar programmé.
Dans un article ultérieur sur notre site, je citerai d’autres dangers dus à l’hypnose de spectacle avec l’exemple de l’ accident d’avion avec dislocation des corps.
Un procureur du Roi courageux a réussi à faire respecter la loi début novembre 2017, en interdisant 2 spectacles de Messmer, le bourgmestre de la commune et le producteur du spectacle ont été tellement furieux de cette perte financière qu’aucun autre Magistrat n’a plus osé faire respecter cette loi.
Extrait de cette loi de 1892 en Belgique “Quiconque aura donné en spectacle une personne hypnotisée par lui-même ou par autrui sera puni d’une peine d’emprisonnement.”
Cette Loi est toujours en vigueur en Belgique et reconnaît implicitement l'hypnose comme une technique médicale et thérapeutique.